Erich Klossowski (1875-1949)
Hilde Stieler (1879-1965)
Surnommé « Monsieur KLO » par les Sanaryens, le peintre et décorateur de théâtre Erich Klossowski est né en Prusse-Orientale dans une famille de la petite noblesse polonaise. Il s’installe à Sanary en 1932, avec sa compagne Hilde Stieler, écrivaine et peintre allemande. Francophile, le père du peintre Balthus et du romancier Pierre Klossowski obtient la nationalité française en 1939. Après l’occupation de la « zone libre », Klossowski et Stieler restent comme seuls exilés à Sanary, mais doivent partir dans l’arrière-pays lors de l’évacuation du centre-ville en 1944. Ils reviennent au lendemain de la guerre pour y rester jusqu’à leur mort.
Erich Klossowski quitte l’Allemagne à l’âge de 20 ans pour s’installer comme peintre et écrivain d’art à Paris où il fréquente, avec l’historien d’art Julius Meier-Graefe, les Allemands du Dôme. En 1903 il se marie avec la sœur du peintre Eugène Spiro, Dorothea, élève de Pierre Bonnard qui signe ses œuvres après leur mariage sous le nom de Baladine Klossowska. Le couple a deux fils, Pierre né en 1905, qui sera écrivain et dessinateur et Balthazar en 1908. Ce dernier deviendra le fameux peintre Balthus, controversé pour ses peintures érotiques de très jeunes filles. Son père dira de lui Balthus est ma revanche sur la vie. A l’aube de la Grande Guerre, la famille de nationalité allemande doit quitter la France et s’établit à Berlin après un séjour à Zürich où Klossowski publie avec René Schickele la revue expressionniste Die weißen Blätter. En 1917, le couple se sépare et Baladine devient la Muse du poète autrichien Rainer Maria Rilke qui la surnomme sa Merline.
Après la Première guerre mondiale, Klossowski travaille à Munich comme décorateur de théâtre où il rencontre Hilde Stieler qui devient sa compagne. Au milieu des années 1920 il retourne avec elle à Paris. Puis, sur les conseils de Julius Meier-Graefe et René Schickele ils descendent en Provence pour s’installer d’abord à Bormes-les-Mimosas, puis en 1929 à La Garde et enfin à Sanary-sur-Mer où ils louent de 1933 à 1944 la Villa l’Enclos.
Contrairement aux deux lieux précédents, ils mènent à Sanary une vie sociale épanouie. Klossowski retrouve régulièrement René Schickele, Meier-Graefe et Heinrich Mann dans les cafés du port pour discuter de la situation inquiétante en Allemagne. Ils fréquentent aussi entre autres les Huxley et leur clan anglophone, les Feuchtwanger et la famille Mann. Hilde reçoit souvent la visite d’Eva Herrmann quand celle-ci descend de sa bastide pour faire ses courses sur le marché de Sanary. Cependant, à son grand désarroi elle constate qu’Erich est éperdument amoureux d’Eva, bien qu’elle s’intéresse seulement à son fils Balthus. En 1938 leur vie sociale reçoit une nouvelle impulsion avec l’arrivée d’Alma et Franz Werfel, ce dernier étant un ancien admirateur d’Hilde. Mais la menace d’une guerre plane sur l’avenir et leur situation financière déjà difficile se complique. Hilde perd des contrats avec les éditeurs et journaux en Allemagne, Klossowski ne vend plus ses peintures. Ils doivent améliorer leur quotidien en donnant des leçons d’allemand et d’anglais. De plus, ils doivent faire face à l’animosité de la population sanaryenne envers les germanophones. En mai 1940 Hilde est envoyé au camp d’internement de Hyères. Elle évite le transfert à Gurs en raison de sa santé fragile. Grâce à ses relations dans le milieu d’écrivains et d’éditeurs français, elle est libérée et peut retourner à Sanary auprès de Klossowski naturalisé français depuis 1939.
Après la guerre, Hilde poursuit ses activités notamment à Sanary où, en 1949, elle participe à l’exposition organisée par l’Association des Amis des Beaux-Arts de Sanary aux côtés d’autres artistes de prestige : Hogg, Kisling et Sassy.
La mairie de Sanary établit le 6 avril 1943 un plan d’évacuation du centre-ville et Klossowski, comme tous les Français âgés, est évacué dans un hospice à Saint Maximin. Hilde grâce à l’aide d’une amie trouve refuge dans l’arrière-pays au Beausset en attendant la fin des bombardements sur la côte. A son retour, elle se marie avec Robert de Wilt, un ancien moine chartreux hollandais et obtient ainsi la nationalité hollandaise. Le couple s’installe dans la Villa Domicile adoré Rue Barthélémy de Don où Klossowski, très affaibli par son séjour éprouvant en hospice, les rejoint. Le mariage de Hilde et Robert est de courte durée et après le départ de Robert, elle s’occupe de Klossowski qui, brisé par la maladie et par l’amertume, meurt début février 1949. Hilde continue de vivre à Sanary en écrivant pour divers journaux et en donnant des cours de langue. Elle connait personnellement Colette et Marguerite de Yourcenar et pour son anniversaire en 1963, le journal République-Le Provençal honore son travail d’écriture en français. Hilde Stieler meurt dans la solitude le 19 février 1965 à l’hôpital de La Seyne-sur-mer.
Pour aller plus loin …
La Médiathèque Jacques Duhamel de Sanary-sur-Mer propose un fonds regroupant des ouvrages sur le thème Mémoire d’exil à Sanary